En lisant, en écrivant... Pourquoi lire Ovide?

Publié le par marie-philippe Joncheray

fresque de Pompei, Musée de Naples

fresque de Pompei, Musée de Naples

Le personnage du roman que j'écris en ce moment, avec qui je vis donc au quotidien, vit à Ostie en 150 après JC. Et cette femme a sûrement lu ou assisté à une lecture d'Ovide. Et moi aussi je lis et relis Ovide. (et Virgile et Sénèque et Marc-Aurèle et d'autres mais Ovide est à part)

Et je lis enfin la récente traduction de ses lettres d'exil, Les Tristes et les Pontiques, par Marie Darrieussecq intitulé Tristes Pontiques, chez POL en 2008.

Est-ce que je relis Ovide parce que mon personnage l'a lu ou bien mon personnage le lit parce que je l'ai lu? et d'où vient ce besoin de se fondre en une autre ailleurs autrefois, et d'où vient ce sentiment de contemporanéité quand je lis Ovide, avec Ovide, avec cette femme et qui me pousse à lire encore Ovide?

Marie Darrieussecq se le demande dans sa préface.

"Plusieurs traductions existent déjà. Ovide est sur internet dans toutes les grandes langues du monde. Qu'on ne s'y trompe pas: ses lecteurs modernes sont beaucoup plus nombreux que les quelques lettrés qui le lisaient dans un monde antique ou médiéval largement analphabète. Et le contraste est vertigineux, entre l'accessibilité actuelle de ses lettres, et la difficulté de leur périple initial. Lues ou pas, leur disponibilité planétaire est à la hauteur de l'espoir immense qu'il mettait dans ces bouteilles à la mer. Elles n'auront sauvé Ovide de rien, mais sa voix morte s'est métamorphosée en voix vivante, logée dans les signes, dans les livres et sur les écrans.

Je ne comprends toujours pas comment ça marche, cette trace qui me bouleverse : l'écriture, la voix des fantômes. J'ai eu besoin de traduire pour entendre parler en moi cet exil, et pour faire entendre, à nouveau, cette voix.

Qu'un homme ait écrit sur une plage perdue, il y a deux mille ans : ce geste me concerne, ce texte me demande quelque chose. Quoi exactement, je ne sais pas. Je ne peux plus sauver Ovide, et il ne saura pas que je le lis. Le lire, pourtant, c'est participer à quelque chose qui, malgré tout, ne disparaît pas. Un monde commun. Une humanité, un espoir atemporel, une gravité. Partager la cambrure aux reins, la parole, la pensée. Quelque chose qui fait que nous sommes debout sur la Terre, à tourner dans le vide, sous des étoiles qui restent inconnues."

Tristes Pontiques traduits par Marie Darrieussecq

Tristes Pontiques traduits par Marie Darrieussecq

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