feuilleton épisode 6, Aujourd'hui, il fait beau. Le soleil enlumine la végétation du petit jardin.

Publié le par marie philippe joncheray

 

Aujourd'hui, il fait beau. Le soleil enlumine la végétation du petit jardin. Il n'est peut-être pas encore assez chaud pour se prélasser à la terrasse d'un café mais le forsythia semble apprécier, les bougeons s'entrouvrent, prêts à exploser.

Le temps est sec.

Maïa pose deux bols sur la table, les remplit de lait frais. Elle en met un par terre et porte l'autre à sa bouche. Le pain, elle le rompt, elle le mâche. Quelques morceaux dans le bol du chat. Elle partage son repas avec lui, le chat noir.

Le lait et le pain sont engloutis.

Elle chausse ses croquenots, ferme son paletot et oublie son calot.

Le ciel est clément.

Elle empoigne sa besace et claque la porte derrière elle. Le minet est resté à l'intérieur, assis sur son postérieur. Il ne se sent pas concerné par ces courses folles, il a passé toute la nuit sur les toits. La journée, c'est fait pour dormir. Justement, un rayon de soleil s'étire sur le plancher.

Elle est dans le rue. Elle sort du dédale des ruelles. Elle doit tracer, vite, tout faire dans la journée. Elle remonte la rue Jaurès. Chaussée comme elle est, elle ne craint pas les nids de poules, les graviers, la bouillasse. Les engins de chantier sont à pied d'œuvre. Les gyrophares tournent, les alarmes font des bip bip biiiip biiiip, censés prévenir d'une manœuvre dangereuse. Elle monte la rue. Ici un fossé, là des hommes dans un trou rond, un nœud électrique. Plus loin des tuyaux énormes en plastique gris attendent leur tour. Ailleurs c'est un gros tas de sable qui s'affale, s'étale, s'égraine. Elle monte toujours. Elle atteint le rond-point tout en haut de la rue, que les engins ont déserté depuis un moment. Le calme est relatif. Il y a des barrières épaisses rouges un peu partout. Les voitures doivent ralentir, hésitent. Maïa doit comprendre quel chemin prendre, dans le labyrinthe. Elle tourne, elle contourne, elle retourne. Sur le sol, le sable, la poudre de ciment ont effacé les flèches. Si elle pouvait voler... Elle lève le nez, la sortie est encore loin, encore beaucoup de voies à traverser. Elle a perdu l'itinéraire fléché pour les petits piétons. Elle ne va pas passer la journée à tenter de s'extraire de ce rond-point. Elle souffle à fond, vide ses poumons complètement, reprend son souffle, enfle son thorax et pousse fort sur sa jambe arrière. D'un bond elle saute par-dessus un fossé. Elle reprend appui le long d'une glissière, les voitures la frôlent, elle s'éloigne d'un deuxième bond. Un peu de pelouse. Autour d'elle, nul piéton, que des voitures bruyantes. Personne ne la voit. Elle finit de traverser la place dans un troisième saut, pas très haut, pas très loin du sol, mais suffisamment long pour en finir avec ce rond-point infernal. A nouveau reviennent les petites rues désertes de voitures. Des maisons, des jardins, des pelouses, des bouleaux. Elle descend les rues d'un pas bien terrestre à présent. Elle descend, descend, descend. Les maisons sont de plus en plus rares, les jardins de plus en plus grands, les haies de moins en moins taillées.

Et elle arrive.

Le vallon verdoyant s'ouvre devant elle, s'ouvre à elle. Elle arrive en son centre. En amont : la forêt, les champs. En aval : la mer.

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