Feuilleton épisode 2 : Les lumières des réverbères clignotent puis s'éteignent. Le jour se lève, un peu plus.

Publié le par marie philippe

Les lumières des réverbères clignotent puis s'éteignent. Le jour se lève, un peu plus. Se lèvera-t-il complètement à un moment ? On ne peut pas y croire. Elle marche vite. Ses pas sont légers, ses pieds légers effleurent à peine le sol.

Elle enfile les rues, l'une après l'autre, préférant les petites qui doublent la grande, passante et bruyante.

Elle descend la ville, court vers la mer.

Elle arrive en haut des remparts qui surplombent la rade.

Elle souffle un instant en scrutant la mer, l'état de la mer. Grise et calme, sage.

Aux abords de l'escalier, le vent s'engouffre sous sa longue robe noire et fait voler ses cheveux rouges. Heureusement le petit bonnet de laine est bien serré sur sa tête. Il ne risque pas de s'envoler.

Elle dévale les marches à vive allure portée par le vent qui va la déposer en bas, auprès de l'eau, sur les quais.

Là, elle s'arrête. Non qu'elle soit essoufflée mais elle a besoin de prendre la pulsation du lieu. Elle aspire l'air par la bouche, elle le goûte. Puis elle le fait passer par ses poumons, met son corps à température. Ses pupilles captent les mouvements, les couleurs, les formes. Son nez flaire les odeurs. Sel des embruns, de la marée haute, des goélands, des cigarettes, des gaz d'échappements des voitures, des camions de livraison, des bateaux-pêcheurs, des poissons frais, du café, de la sueur.

Elle fait aller sa tête de droite à gauche, lentement. Il est là. Elle a trouvé ce qu'elle venait chercher. Sur la droite, au bout du quai, après La Recouvrance. Il est revenu. Son corps souple danse autour du squelette de la coque, le long des membrures de bois.

Après des mois d'absence, des mois d'attente, son cœur se met à battre plus fort. Ses jambes voudraient flageoler. Elle ne bouge pas encore. Elle sait ce qu'elle va faire. Il n'y a pas à avoir peur pour cela. Mes jambes, répondez-moi.

De toute façon, il ne la verra pas.

Alors, son corps entier se met à vrombir silencieusement. Elle se remet en marche, vers lui, d'un pas léger léger. Elle passe le long des grands bâtiments, entrepôts et ateliers. Tout le monde des hommes s'active, en gestes, en paroles. Ils ne la voient pas. Arrivée au niveau de celui qui l'intéresse, elle porte ses pas vers le quai, passe par le côté où il n'est pas et en passant sous le squelette de la coque, elle se penche, laisse traîner sa main par terre dans la sciure, hop!, la referme pleine et s'enfuit. Il n'a rien vu, il n'a rien entendu, très absorbé à faire glisser son rabot sur le bois des membrures.

 

Publié dans mes textes courts

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